« UN DÉPLOIEMENT LIMPIDE D’IDÉES» PAMELA RITCHIE

             Du 1 avril  au 29 Avril 2017, la galerie Noel Guyomarc’h présente « A quiet unfolding of ideas : Pamela Ritchie », exposition rétrospective et hommage à une artiste de près de 40 ans de carrière dont c’est la deuxième exposition individuelle à la galerie qui la représente depuis 2005. Pamela Ritchie est la récipiendaire du prestigieux prix Saidye Bronfman 2017, la plus haute distinction d’excellence en métiers d’art contemporain au Canada

Professeure de joaillerie au Nova Scotia College of Art and Design d’Halifax, Pamela Ritchie a participé à plus d’une centaine d’expositions individuelles et collectives au Canada, aux Etats-Unis, en Australie, au Japon, en Corée et en Europe. Elle est régulièrement invitée à donner des conférences dans le monde entier et bénéficie d’une véritable reconnaissance internationale. Sa première exposition à la galerie Noel Guyomarc’h, en 2010, se consacrait exclusivement à sa série de l’époque, « With:In ». « Un déploiement limpide d’idées», sera au contraire l’occasion de (re)parcourir l’ensemble de son œuvre afin de mieux comprendre ce qui a guidé son parcours créatif et artistique.

Originaire d’Halifax, en Nouvelle-Ecosse, Pamela Ritchie a poursuivi des études en art au Nova Scotia College of Art and Design, la même université dans laquelle elle enseigne aujourd’hui. Un temps attirée par le monde du théâtre, elle décide finalement de se consacrer au bijou, un art qui lui permet d’exprimer sa créativité mais aussi d’explorer un large panel d’idées et de notions. Loin de se limiter à un pur aspect esthétique, le travail de Pamela repose en effet toujours sur une profonde réflexion.

Cancelled Icons, série qu’elle débute en 1982, s’interroge par exemple sur la façon dont la valeur d’un bijou est déterminée par les matériaux qui le composent. Usant de timbres pour et en place de pierres précieuses, elle propose une réflexion sur le paradoxe même de ce remplacement. Le timbre n’est en effet rien d’autre qu’un bout de papier éphémère et sans valeur, et pourtant il est nécessaire et essentiel à notre vie quotidienne, et devient dans ses bijoux l’alter-ego de ce qui est traditionnellement précieux. Le timbre, dans ces années, représente l’échange et la communication, le bijou lui-même est un objet de communication.

Avec Wall-Flowers, en 1983, Pamela Ritchie s’interroge sur la place du bijou et sa portabilité. Au cours d’une conversation téléphonique avec un responsable du Canada Council Art Bank, il lui est répondu qu’une exposition de bijoux serait envisageable dans la mesure où les œuvres peuvent être présentées sur le mur. La place d’un bijou, s’insurge-t-elle, n’est cependant pas sur un mur. De cette réflexion naîtront des pièces qui, bien que suspendues, se camouflent visuellement sur leur fond de présentation.

Concatenation, travail qui court de 1987 à 1996, lui est inspiré par la catastrophe de Tchernobyl. Alors qu’elle est en voyage aux Pays-Bas, elle se retrouve un soir sous une pluie battante. Elle apprend quelques jours plus tard qu’il s’agissait de pluies radioactives liées à la catastrophe. Elle est également témoin de l’acte de l’un de ses collègues, qui court chez lui détruire les fruits et légumes de son potager. Dans Concatenation, Pamela Ritchie part ainsi de formes organiques – haricots, poissons, pommes de terre – qu’elle strie de lignes évoquant les radiations. Elle exprime ainsi comment ce qui est traditionnellement lié à la vie, à la fertilité, peut soudainement se retrouver source de mort et de danger. Une réflexion sur la dualité qui la fascine et qu’elle a étendue à l’ensemble de son travail.

Avec la série Imaginary Landscapes, puis Kruser, toutes deux commencées en 1996, le travail de Pamela Ritchie se retrouve lié à son étude du filigrane norvégien, dit « Bunadsylv », une technique qui remonte à 3000 av. J.-C et qu’elle a découvert à Oslo et Telemark. Le temps nécessaire à la réalisation des petites torsades métalliques typiques du Bunadsylv est incroyablement long, et pourtant Pamela Ritchie l’inclue de manière récurrente dans son travail, allant jusqu’à expérimenter avec l’impression 3D la reproduction de cette forme traditionnelle. Le voyage, de fait, est une dimension intrinsèque de son œuvre La place essentielle du Bunadsylv en est une parfaite illustration.

On retrouve cette dimension voyageuse dans les titres souvent « géographiques » de ses séries – Imaginary Places, Alien Landscapes – dans l’emploi du mot norvégien Kruser, ou plus évident encore dans l’utilisation des timbres de Cancelled Icons, souvent porteurs d’une imagerie signifiante et emblématique.

Dans l’ensemble de ses séries suivantes, Weddings en 2006, With:In en 2008, ou encore Affinities en 2012, Pamela Ritchie poursuit son exploration des formes, expérimentant avec les traitements de surface, de couleurs, de contrastes, de textures, toujours entre modernité et tradition. With:In et Affinities lui sont inspirées par des considérations mythologiques et philosophiques sur la création de l’univers et la recherche scientifique de l’origine de la matière.

Elle réfléchit aussi sur les matériaux qu’elle utilise .Alien Landscapes, sa série la plus récente, combine l’utilisation du bois et du polymère, soit un matériau usuel et naturel de l’artisanat couplé à un polymère plastique issu des avancées techniques et généralement peu employé en création de bijou traditionnel. Cette balance entre les méthodes manufacturières modernes et les approches d’artisanat traditionnel est une constante de son œuvre. Choisir des matériaux autres que ceux inhérents en joaillerie n’est cependant pas suffisant. Il faut aller plus loin, explorer l’ensemble des limites et possibilités d’un médium jusqu’à ce qu’il reflète parfaitement une idée, un concept ou une série d’émotions. En se laissant porter par ses recherches, elle a ainsi abouti à une série dont les couleurs vibrantes, bleues et rouges, et les traitements de surface de la peinture acrylique évoquent des «Alien Landscapes», des paysages comme issus d’une distante planète.

En présentant au public des exemples phares de chacune de ses principales séries, l’exposition permettra de mettre en lumière les liens qui existent entre chacune d’entre elles et comment les idées de Pamela Ritchie continuent de germer et de murir au fil de ses explorations. On retrouve par exemple les lignes irradiées sur les bijoux de « Cancelled Icons » et les motifs du Bunadsylv se répètent jusqu’aux dernières créations d’ « Alien Landscapes ». Pour Noel Guyomarc’h, l’exposition se veut également un hommage au perfectionnisme et au raffinement technique de cette artiste majeure, tout en insistant sur la dimension réflexive, culturelle et historique de son œuvre.

Pour Pamela Ritchie, la création de bijoux est fascinante en ce qu’elle consiste à « donner du sens ». Elle y voit « un processus de recherche de sens et une façon d’exprimer les résultats de cette recherche », «d’appréhender la complexité inhérente de l’existence, une complexité qui s’avère à la fois fascinante et douloureuse». Ce que Pamela Ritchie trouve fascinant dans la joaillerie, c’est comment un objet aussi petit, aussi « insignifiant » qu’un bijou peut porter en lui une telle concentration de sens, et comment il permet un tel surgissement de questionnements et de possibles significations.

Le Musée Canadien de l’Histoire a acquis 15 pièces de l’artiste pour leur collection permanentes lors de cette exposition. Voici le lien du musée : Pamela Ritchie